Wednesday, November 13, 2013

Quand de simples croyances populaires deviennent les clés de l’Education.



Il y a des phrases récurrentes. Répétées inlassablement, à chacun de nos gestes, à chacune de nos intuitions. Des avertissements, des recommandations, des conseils. Toujours accompagnés d'un regard réprobateur et d'un sourire qui condamne. Elles sont nées d'une société dirigée par la consommation de masse, de doctrines anciennes et non vérifiées, de certains personnels de santé mal formés et peu informés, d'enquêtes très sérieuses sponsorisées par des marques de couches ou de lait en poudre. Elles survivent grâce à la croyance populaire. Elles sont devenues les diktats d'une éducation où l'instinct maternel, la nature de l'enfant et ses besoins fondamentaux sont laissés pour compte et annihiler.
 
Décryptage détaillé, en deux partie, de ces conseils hasardeux et injustifiés, entre opinion personnelle, expérience et véritables recherches.




Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la vie à elle-même.
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées.
Car ils ont leurs propres pensées.

J. Salomé - Papa, maman, écoutez-moi vraiment


PARTIE 1 :

                - « Laisse pleurer bébé »
Et ses variantes : « Il a besoin de pleurer », « Tu ne peux pas accourir dès qu’il pleure, faut qu’il apprenne la vie » « Faut le laisser pleurer, tu n’es pas son esclave » « Si tu viens à chaque fois qu’il pleure, tu es foutu, il aura gagné »
C’est la première phrase que tu entends à la naissance de bébé, juste après les félicitations d’usage.  Le 1erbon conseil qu’encore trop de gens appliquent. Entendu à la télé, lu dans des magazines, préconisé par des amis. Dit et répété par presque toutes les personnes de ton entourage, déjà parents ou pas. Répété encore et encore, sans en saisir réellement le sens, sans même se demander l’impact scientifique et émotionnel que cela provoque. Car oui, c’est loin d’être sans risque, à court comme à long terme. Quand Lou-les-grosses-joues est née, j’ai aussi reçu cette recommandation. Je n’ai jamais eu de réponse fondée quand je demandais « Mais pourquoi faut-il que je la laisse pleurer? Je suis sa mère, ne devrais-je pas répondre à ces besoins, qu’ils soient vitaux ou affectif ? ». On m’encourageait à ne pas me laisser faire ( ?), on m’assurait, par expérience, par on-dit, que c’était la seule façon de la rendre autonome, que je ne lui rendais pas service à la prenant dans mes bras chaque fois qu’elle pleurait. Ce mythe est si encré dans nos croyances populaires qu’il est quasi impossible de s’en défaire et de convaincre que non, laisser pleurer un bébé n’a jamais été bénéfique pour lui et ne lui a jamais fait du bien. Jamais. Ce n’est pas un moyen de l’autonomiser ou de l’aider à le rendre plus dépendant ! Tout le contraire.  

John Bowlby, psychiatre et psychanalyste anglais est célèbre pour ses travaux sur l'Attachement dans la relation mère-enfant. Il explique dans le volume 1 de son livre « Attachement et perte » que plus l’enfant se sent rassuré, consolé, cajolé et aimé, plus il a confiance en lui, plus il s’ouvre au monde et acquiert en autonomie rapidement. « Dans nos sociétés actuelles, on cherche à séparer  le plus vite possible le corps du bébé de celui de sa mère, sous prétexte de favoriser son autonomie. Dans la plupart des cultures traditionnelles, il est rare d’entendre les bébés pleurer : on répond systématiquement aux pleurs. Laisser pleurer un bébé est considéré comme cruel. » (Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau, Ne pleure plus, bébé). Noussommes les victimes d’une prétentieuse supériorité, qui nous vantons de vivre dans un pays sur développé, tout en continuant d’utiliser des méthodes barbares et dépassées. Tenter de dresser un petit être sans essayer de le comprendre en refoulant notre propre instinct n’aident pas à mieux vivre notre parentalité. Car l’Instinct (Ensemble des comportements animaux ou humains, caractéristiques d'une espèce, transmis par voie génétique et qui s'exprime en l'absence d'apprentissage.) ne nous dicte EN AUCUN CAS de laisser pleurer notre bébé. Notre Instinct sait qu’il n’y a rien de naturel dans ce comportement. Notre espèce ne s’est séparée du bébé que parce que, tout d’un coup, au XIXème siècle, la société de consommation a décidé qu’il fallait laisser notre enfant allongé à plat, loin de notre corps, de notre chaleur, de notre odeur, une grande partie de la journée et toute la nuit, pour mieux nous vendre poussette, transat, parc, tapis d’éveil, berceau. Et bien sûr, comme ça ne convient pas à l’enfant ni physiologiquement, ni émotionnellement, il pleure. On nous a donc persuadé qu’il fallait laisser le pleurer, pour l’éduquer, le contrôler, lui apprendre. « Il est bien préférable de le laisser couché et, sans pitié pour ses cris, de ne pas lui donner la déplorable habitude de l’avoir tout le temps sur les bras » (Dr Rehm, Nouvelle encyclopédie pratique de médecine et d’hygiène, 1922) 

Depuis, malheureusement, ces diktats arriérés sont encore dans la tête de beaucoup trop de parents. « Laisse-le pleurer » c’est aussi et surtout LA phrase préférée des gens qui tente de se déculpabiliser pour continuer à vivre leur vie d’avant. Car il ne faut pas, n’est-ce pas, devenir « l’esclave » de notre enfant. Il ne faut pas se laisser faire. Il ne faut pas se faire manipuler, par ce petit être vil et pervers qu’est notre enfant. Mais finalement, pourquoi faire un enfant, s’il est inconcevable pour nous de bouleverser son quotidien, d’accepter de changer ses priorités, de se rendre compte que nous parlons simplement d’une vie humaine ? Une vie humaine qui débarque sur cette Terre qu’il ne connait pas. Une vie humaine qui passe de l’obscurité à la lumière, d’un contour a du vide, de la chaleur constante aux changements de température, de l’eau à l’air. Qui découvre la faim, la douleur, le bruit, la peur et tout ça en même temps. Qui est dépendant, totalement et absolument de sa mère et de son père. « Il y a une période, s’étalant sur près d’un an, qu’on peut qualifier de grossesse hors utérus (fœtus ex utero), où le développement des systèmes nerveux, digestif, immunitaire, etc., se poursuit et où le bébé est complètement dépendant de l’adulte pour sa survie et son bien-être. » Le bébé à un seuil de tolérance au stress presque nul. Un rien l’angoisse. Eduard Punset, le confirme dans son livre « El viaje a la felicidad : las nuevas claves cientificas » (Le voyage du bonheur : les nouvelles clés scientifiques): Ce qui est sûr, c’est que les bébés ne peuvent absolument pas gérer leur stress. Ils ne peuvent pas se défaire de leur propre cortisol, comme nous les adultes. Pour eux, c’est leur survie qui est en jeu ! 

S’il pleure, ce n’est jamais pour rien. Ce n’est jamais bon. Pourquoi refuser le réconfort de nos bras, de notre corps ? Pourquoi avoir si peur de son propre enfant ? Carlos Gonzalez, pédiatre espagnol, dans son très bon livre« Besame mucho » (Embrasse-moi beaucoup, qui vient de sortir en France sous le titre de « Serre-moi fort ») ironise très bien la réalité : « Depuis des siècles, médecins, éducateurs et parents ont souvent, consciemment ou non, une vision très négative de l’enfant. Car nos enfants sont, semble-t-il, nos ennemis. Ils s’opposent à nous sans raison, multiplient les caprices, cherchent à n’en faire qu’à leur tête, à nous dominer, à nous écraser. Il convient donc d’extirper le mal à la racine (…) faute de quoi ces tyrans en herbe deviendront incontrôlables ! » Ce bébé agit, lui,  par instinct et quand il se sent en détresse physiologique ou émotionnelle, il pleure. Le jour, la nuit, même quand il est propre, même quand il a mangé. Le laisser pleurer, en se disant qu’il n’a pas de raison de pleurer car chacun de ses besoins sont satisfaits c’est encore très prétentieux. C’est surtout minimiser son importance et croire qu’il a juste besoin de dormir, de manger et d’être propre. L’amour, on verra après. Quand on aura le temps.

L’AAIMH (Association Australienne pour la Santé Mentale Infantile) assure que ces pratiques ne correspondent pas aux besoins émotion­nels et psychologiques des jeunes enfants, et qu’elles peuvent avoir des conséquences négatives à long terme sur leur santé psychologique. Ce qu’il se passe les premières années dans la vie d’un bébé, laisse une marque pour toujours. « Les parents doivent savoir qu’en laissant pleurer leurs enfants sans leur accorder d’attention, ils peuvent provoquer chez lui des dommages à long terme. Le système nerveux de l’enfant deviendra anormalement sensible aux traumatismes et aura pour principal résultat de fabriquer des adultes stressés et anxieux. (Havard University). Dans son ouvrage, « Un enfant heureux », le professeur Margot Sunderland qui travaille au Centre for Child Mental Health de Londres, s’appuie sur TOUTES les recherches récentes en matière de développement cérébral et sur TOUTES les observations que permettent les techniques d’imageries médicale, pour montrer « qu’élever un enfant en ignorant ses pleurs, même de temps en temps, à des conséquences visibles sur son cerveau, entrainant de graves déséquilibres chimiques générateurs de problèmes psychiques» On ne connait pas toujours la raison de ces pleurs. Comme nous, le bébé à un panel d’émotions et de besoins divers et variés. Une chose est sure, il ne cherche pas à prendre le pouvoir sur nous, il ne cherche pas à gagner je ne sais quelle bataille et il ne s’agit pas de caprices.


- « Ne cède pas, c’est un caprice »
La première question que je me suis posé face à l’argument sans faille « c’est un caprice. » c’est : « à quel âge le bébé, le jeune enfant est-il capable de faire un caprice ? »
J’ai entendu des phrases ahurissantes : « Si ton bébé veut être tes bras, c’est par caprice », « Si ton bébé pleure, c’est par caprice », « S’il refuse la poussette, c’est par caprice » Qu’est-ce qu’un caprice ? Volonté soudaine, irréfléchie et changeante / Désir, volonté subite, irréfléchie et passagère. C’est donc un besoin immédiat de quelque chose, de quelqu’un. Un besoin. Un besoin intense d’être pris aux bras, un besoin extrême d’amour, un besoin désespéré de sortir de cette poussette. Pourquoi mettre en doute la légitimité de ces besoins ? Le bébé, jusqu’à ses 18 mois minimum, n’est pas capable de « caprice », au sens péjoratif du terme. La peur du « caprice » c’est encore une fois la peur d’être dominé par son enfant. La peur de ne pas réussir, plus tard, à lui expliquer ou à lui refuser quelque chose. Il est temps de se faire confiance et de LUI faire confiance. Et si, finalement, il ne s’agissait que d’Amour ?


- « Ne la prend pas aux bras, tu vas lui donner de mauvaises habitudes »
« Habitude ». Ce mot, c’est LA bête noire. Tout doit être mis en œuvre pour que l’enfant ne s’habitue pas. Attention ! : « S’il s’habitue, c’est fichu. » Pardon mais...s’habituer à quoi exactement ? A nos bras, à notre amour ? Pourtant, il n’y a pas de plus belle "habitude" que celle d'aimer. Le besoin d’être porté est aussi fort que le besoin de manger, parfois même plus fort. Colette Clark au début de son ouvrage « Le livre de l'allaitement maternel » écrit : « le nouveau-né n'a que trois besoins essentiels : la chaleur des bras de sa mère, la certitude de sa présence et le lait de ses seins ». Nos bras, c’est vital pour lui. « Les bébés humains naissent prématurés d’environ 12 mois. Cette immaturité explique le GRAND besoin de contact physique qu’ont les petits d’homme, de jour comme de nuit. » Il y a un dicton qui pourrait tout résumer : « 9 mois dans le ventre, 9 mois sur le ventre ». « Le portage, par les mouvements du porteur et les bruits de son cœur, stimule le système nerveux immature du bébé, et notamment son système vestibulaire (le système sensoriel principal de la perception du mouvement et de l'orientation par rapport à la verticale, donc à la base du sens de l'équilibre) et aide les bébés à mieux respirer, à mieux grandir, régule leur physiologie et améliore leur développement moteur. Le bébé encore incapable de se déplacer accumule l’énergie sans pouvoir la décharger autrement que par des pleurs, alors que s’il est porté par une personne active, les tensions musculaires des deux, porteur et porté, sont évacués par le mouvement » (Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau, Porter bébé & Ne pleure plus, bébé).  

Blaise Pierrehumbert, dans son ouvrage « Le premier lien » explique que « ce n’est que quand ses besoins de proximité sont satisfaits qu’un individu peut s’éloigner de sa figure d’attachement pour explorer le monde extérieur ». Varenka Marcassure que « le Holding nous permet, en ne séparant pas trop tôt notre bébé de notre corps, de l’aider à atteindre sans heurts les phases de différenciation(jusqu’à 4 mois, le bébé est dans une unité duelle avec sa mère. Ils constituent un système omnipotent. La mère maintient l’équilibre homéostatique de l’enfant immature, sujet à des détresses somatiques génératrices d’angoisse). C’est à cette condition qu’il accède naturellement à la séparation. C’est ainsi, paradoxalement, que notre bébé deviendra libre » et autonome.

Il FAUT prendre son bébé aux bras, le porter, même quand il ne pleure pas. Surtout quand il ne pleure pas. Lui refuser nos bras, sous le prétexte fumeux de l’apprentissage de l’indépendance ou de la peur d’en faire un capricieux, c’est comme lui interdire de manger lorsqu’il a faim. Le psychanalyste suisse Franz Rengglisépare les mammifères en 3 formes de développement de la relation mère-enfant : « les nidifuges, où le petit se déplace dès la naissance et suit sa mère ; les nidicoles où les petits restent dans un nid ; et enfin les primates, pour lesquels le nid est le corps de la mère qui le porte de manière ininterrompue pendant toute la 1ere période de sa vie ». Nous sommes des primates, le réflexe de Grasping (réflexe de préhension) qui est toujours présent chez nos bébé jusqu’à ses 6 mois, en est la preuve ! « Les experts s'accordent presque tous pour dire que ce réflexe représente un vestige de notre lointain passé » quand nous nous agrippions à la fourrure de notre mère. « Tout se passe comme si, en Occident, l’Homme s’était transformé en nidicole, mettant ses petits dans des nids plus ou moins douillets. Le problème, c’est que les besoins des bébés, eux, n’ont pas changé. Et que le berceau dont ils ont besoin, c’est le berceau qui marche, constitué par le corps de leur mère. » (Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau, Porter bébé.)

Au début, je voyais l’écharpe comme la solution de la dernière chance. Trop conditionnée par les menaces « d’enfant capricieux », de « mauvaises habitudes », « d’éducation foirée », je m’acharnais à essayer de la poser dans son transat, qu’elle refusait bien évidement. Dès qu’elle pleurait, je la serrais contre moi. Puis je tentais, de nouveau, de la poser. En vain. Je la mettais dans l’écharpe et elle se calmait instantanément. Je le vivais comme un échec ! J'avais du mal faire à un moment. Pourquoi ma fille ne voulait pas rester seule ? Pourquoi voulait-elle absolument être dans mes bras ? Parce que c'est un bébé. Parce que c'est normal. Il m’a fallu lire de vraies recherches, voir les bons reportages pour m’en convaincre. C’est une évidence maintenant. Lou est dans l’écharpe, une grosse partie de la journée. Elle me regarde vivre ma vie d’adulte. Je ne suis pas centrée sur elle constamment. Elle est spectatrice et elle adore ça. Il est très rare qu’elle pleure la journée (ni la nuit d’ailleurs). Grâce à notre proximité, elle peut communiquer avec moi autrement que par le pleur ou le cri. Il a été plus facile pour moi de repérer ses phases d’éveil, les signes de faim ou de fatigue. Le portage, car il apporte au bébé tout le réconfort et la sécurité dont il a besoin absolument, l’aide aussi à l’endormir. Ma fille s’endort tous les soirs, entre 20h et 21h, sans jamais pleurer, toujours sereine et calme. Une chanson ou deux, une tétée et quelques caresses la font sombrer tout de suite. 
Elle est heureuse et ses nombreux sourires en sont la preuve !



PARTIE 2 (Apprentissage du sommeil et allaitement) ICI !


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